Dans le cochon, tout est bon !

Je continue ma petite série d'articles sur notre consommation de viande et les provisions que nous venons de faire pour cette année.

Ici en Lozère, "le cochon", c'est un peu une institution. Dans le journal du département, on trouve des annonces de matériels pour "préparer son cochon en toute tranquillité", l'hypermarché propose des cochons entiers à la vente et la plupart des villages organisent leur foire au cochon! Dans ce contexte, vous imaginez bien que depuis notre première installation ici il y a quelques années, je trépignais d'impatience d'apprendre ce savoir-faire ! 


 C'est grâce à nos amis chevriers que cela nous est possible car il nous ont transmis leur savoir-faire et nous prêtent leur laboratoire de fromagerie qui, l'hiver, se transforme en charcuterie éphémère, puisque les chèvres se reposent pendant leur gestation et qu'il n'y a donc plus de lait, et donc... plus de fromages ! 

Nous disposons donc de tout le matériel et d'un environnement idéal, en altitude (donc au froid) avec la possibilité de maintenir la température du laboratoire entre 7 et 10 degrés pendant toute la durée du travail !

Cette ferme est une ferme biodynamique autonome en alimentation grâce aux champs cultivés alentours, où sont élevées notamment une centaine de chèvres et les trois cochons. Pourquoi des cochons à côté des chèvres ? Quand on transforme le lait en fromage, il y a la production d'un déchet : le petit lait. Ce petit lait, qu'on appelle aussi le lactosérum, est très acide et il est interdit de le jeter dans les canalisations. Les éleveurs doivent donc trouver une solution pour l'éliminer quotidiennement. Il y a plusieurs solutions, et les cochons en font partie. Les cochons aiment le petit lait qui est nourrissant mais pauvre en matières grasses. 

 

A la fin de chaque hiver, un cycle commence : quand les chevreaux naissent, le lait arrivent et le travail de fromagerie démarre. Le petit lait est donné chaque jour aux  petits cochons qui ne vont "manger" que cela durant des mois et grossir rapidement. Au début de l'hiver suivant, le travail de fromagerie diminue et les chèvres commencent leur gestation, c'est le moment d'arrêter de nourrir les cochons avec le petit lait (cela donnerai un mauvais goût à la viande), on leur prépare donc une bouillie d'avoine concassée trempée à l'eau chaude. Ils sont nourris ainsi pendant deux mois, avant l'abattage. 

 


Je vais vous raconter ici exactement comment on m'a appris à le faire et comment nous le faisons ici. Parce que vous avez été plusieurs à me demander des détails je vais essayer d'être la plus précise possible. Bien sûre, si cela est dérangeant pour vous parce que vous êtes sensibles à la mort d'un animal (et donc peut être que vous ne mangez pas de viande) ou que vous vous le procurez déjà à l'état de carcasse, je vous conseille de passer au troisième article qui parlera plutôt de la préparation de la viande et des recettes !

Pour commencer, je vous précise que le moment idéal, pour préparer son cochon, c'est en plein hiver quand il fait froid et si possible quand il a gelé si le cochon vit en plein air (c'est plus pratique pour la suite si il est sec et "propre"), et idéalement qu'il ne pleuve ni qu'il ne neige pas, car le travail de la première journée se fait dehors. Pour nous c'est généralement en janvier puisque nos amis profitent du repos de leurs chèvres pour partir en vacances et nous laisse le soin de les remplacer auprès des animaux, mais aussi parce qu'il faut que les gros cochons laissent la place aux petits de l'année suivante !

Nota Bene : tout ce que je note ici, comme dans tous mes articles, c'est une façon de faire ; il en existe d'autres et mon but n'est pas d'énoncer une vérité mais bien de faire voyager les idées ! En fonction des régions et des personnes, vous rencontrerez surement d'autres façons de faire et d'autres astuces !

J-1: on met le cochon à la diète 24 à 48 heures avant l'abattage pour que les intestins soient le plus vide possible.

Jour 1

Vers 13h30 ou 14h : l’abattage (3 personnes)
on prépare les 4 cordes (noeuds coulants) et le tracteur en positionnant la herse au dessus de la mangeoire des cochons.
on lui fait croire qu’on le nourrit pour pouvoir l’attraper : quand il commence à manger, on lui attrape la patte arrière, on serre le noeud et on soulève la herse pour le pendre en l’air.
on le déplace au dessus du sol et on lui accroche les deux pattes avant et le groin : une patte à une roue du tracteur, le groin à l’autre roue et une personne qui tire sur la dernière patte de manière à ce que la gorge soit bien découverte avec la tête en arrière.
avec une lame courte et bien aiguisée : on plante dans la gorge pour couper la jugulaire et la carotide
on place un seau propre, dans lequel on a mis une cuillère à café de sel et deux cuillère à soupe de vinaigre, sous le trou et on récupère le sang qui sors.
il faut toujours mélanger le sang pendant ce temps là avec la main. Quand il y a des « grumeaux » de plasma qui coagule , on les jette.
quand le sang coule au lieu de gicler, on arrête de récupérer le sang car il coule sur les poils sales.
il faut continuer à remuer le sang comme ceci jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de morceaux qui coagulent.
on laisse le sang reposer une heure.

 



Pendant ce temps, on va préparer le cochon. On l’installe dehors sur une grande table basse solide.
« l’épilation » : on commence par bruler et gratter tous les poils, soit avec un désherbeur thermique à gaz, soit en le couvrant de paille que l’on enflamme (certains ébouillantent mais il faut beaucoup d’eau). Quand le poil est grillé on le gratte avec un couteau et on repasse en faisant cloquer la première peau que l’on gratte bien avec le plat du couteau, SANS entayer la peau.
« le massage » : quand tout est bien grillé (même oreilles, pieds et tête), on rince le cochon, puis on frotte partout et énergiquement avec du gros sel. Et on rince abondamment.
« la manucure » : on brûle les ongles et on les retire facilement en tirant dessus avec une pince.

Maintenant que le cochon est tout propre, on va pouvoir lui couper la tête. Il faut couper derrière les oreilles et faire tout le tour. C’est un peu difficile au niveau des cervicales, il faut passer le couteau entre deux vertèbres et finir en tournant la tête sur elle même.
on récupère un morceau de gorge pour le boudin
on met un crochet « S » dans le nez pour pouvoir accrocher la tête et qu’elle se vide du reste de sang qui a coulé dedans au moment de l’abattage.

La découpe
il faut découper le cochon en s’aidant d’une scie, d’une feuille de boucher et de bons couteaux : on le met sur dos en le calant avec deux bouts de bois.
on l’ouvre entre les pattes arrière pour dégager l’anus et le bas de l’intestin. Avec une ficelle, il faut nouer l’anus pour que rien de salisse la viande.
on ouvre ensuite la peau jusqu’à la gorge, en veillant à ne pas percer les organes internes.
on décolle délicatement la crépine qui recouvre les organes internes (c'est comme de la dentelle) et on la récupère en la déposant dans un seau propre.
on met de coté ce qui servira pour les pâtés : cœur, rate, un seul poumon, les reins (ils viennent souvent après avec les boyaux)
on fait délicatement glisser le reste sans rien percer en décollant avec un coteau le long de la colonne vertébrale. (en mettant un grand seau sous la table)
on rince abondament l’intérieur et on l’essuie bien au torchon

on découpe les quatre pattes à la jointure (genoux et coude)
on découpe les deux épaules et les deux jambons (aux jointures)
ensuite on coupe la carcasse en deux au niveau de la colonne vertébrale (scie, feuille et couteau)

Refroidissement de la viande (5 à 6 heures, ou toute la nuit)
Il faut déposer tous les morceaux sur les tables propres du labo, qu’on laisse à 8 degrés environ (jamais plus de 10 degrés durant toute la préparation).

 Ce travail à l'extérieur est normalement terminé avant la nuit. On peut maintenant rentrer au chaud et aller en cuisine pour préparer le boudin avec le sang que l'on a récupéré.

 


Préparation du boudin
on épluche, on lave et on cuit un gros sac d’épinards que l’on écoute vraiment bien et que l’on hache.
dans une poêle, avec un morceau de gorge (gras) coupé en petits bouts, on fait fondre oignon et ail. 

 


 
dans une gamelle, on mélange le sang avec autant du mélange épinards-oignons + 1/2L de crème liquide et on assaisonne avec 25gr/lite de mélange sel-poivre.
 


 

Ensuite on prépare nos boyaux qui ont été dessalé la veille (prendre des « boyaux à saucisse ») : souffler dedans en faisant passer la bulle d’air jusqu’au bout pour vérifier qu’il n’est pas percé. 

 

 

Nouer une extrémité avec une ficelle en faisant un aller-retour pour bien assurer. Enfiler un cornet qui correspond à la taille du boyaux (sorte d’entonnoir), et y faire couler la préparation liquide jusqu’au bout.
nouer avec la ficelle en assurant avec un aller-retour.
Pour que cela soit plus facile à manipuler, il faut nouer à un ou deux autres endroits du boyaux pour former des sections en cas de perçage.
 

 

Quand tous les boudins sont prêts, on les fait cuire à l’eau : il faut mettre un torchon au fond de la gamelle pour que cela n’accroche pas, et recouvrir d’eau.
Il faut vérifier plusieurs fois pendant la cuisson pour savoir si c’est bien cuit (mais pas trop sinon c’est sec) : avec un cure dent, on pique un peu le boudin, si il y a un peu de sang qui s’échappe on attend, si rien de s’échappe, c’est cuit!
 

Et pour se féliciter de ce bon travail, on déguste ce premier boudin avec une salade verte et des pommes cuites que les enfants auront gentiment préparé en notre absence !


 Je m'arrête là pour le récit de cette première journée car c'est vraiment dans le cas où on commence avec un cochon vivant. La suite se fait à partir du lendemain et concerne aussi bien celles et ceux qui auront acheté une carcasse ou une demie carcasse ou même celles et ceux qui achètent des caissettes de viande en gros, à la ferme ou en AMAP par exemple !


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