La narration... témoignage de notre victoire !

Cet article est un témoignage en réponse aux parents qui, comme nous, n'ont pas que des facilités dans leurs apprentissages scolaires, et qui, comme moi, apprécient et grandissent des histoires quotidiennes de leurs pairs ! 


 
Aujourd'hui je viens ici le cœur léger, rempli d'une satisfaction pleine d'humilité et de fierté à la fois : c'est celle de la Maman qui observe chaque jour ses petits oisillons et qui, un jour les vois s'envoler ! Mais si, vous savez bien... quand tous les petits voisins sont passés du "quatre pattes" à la marche sans s'en apercevoir et que votre petit à vous reste bien campé sur ses fesses... quand tous ses petits camarades font des puzzles de 45 pièces et que le votre reste le nez en l'air à observer les papillons (et que cela lui suffit)... quand les mamans sur le banc du square énumèrent la liste de livres "premières lectures" (et même plus!) que leur petit CP a englouti avant la fin du premier trimestre, alors que le votre découvre tout juste la magie de B+A= BéhaBA ... et bien le jour où ce petit être, que vous observez chaque jour avancer plus ou moins vite, le jour où il se met à faire "comme tout l'monde" ... on sent son cœur s'alléger de cette satisfaction-là... celle de la loi infaillible qui nous promet qu'il se mettra debout, que ses dents tomberont et repousseront et qu'il mangera des légumes verts! Et bien chez moi, ma crainte concernait mon aîné ET l'écriture. Comme beaucoup de petits garçons de ma connaissance, mon grand a souvent eu des blocages concernant l'écriture : d'abord pour tracer, puis pour copier et même formuler... et bien sure plus la quantité était importante, plus j'avais l'impression de lui demander la Lune. Je suis plutôt du genre à laisser mes enfants suivre leur rythme, consciente (et de plus en plus consciente) que nous sommes tous et toutes bien différents, avec des rythmes et des cycles bien particuliers, et que tout arrive quand cela doit arriver. Mais voilà, même quand on fait l'école à la maison, on se doit de répondre à certains attendus, conditionnés par l'âge et les capacités que la majorité estime être acquise à un moment donné. 

En fonction des années, ces blocages ont été pour moi, la Maman qui instruit et transmet, tantôt un moteur, tantôt le bord du désespoir, mais j'ai toujours écouté la petite voix de mon homme qui me disait "fais confiance à ton fils!" (avec son calme apparent et légendaire!) Un moteur pour moi c'est un boost puissant qui me mène à chercher partout la solution à mon problème, car les grains de sable dans le mécanisme peuvent rapidement devenir des cailloux, puis de gros rochers dans lesquels on ne cessera plus de butter, alors qu'il est souvent si simple de retirer le petit grain dès le départ ! Celles et ceux qui me suivent ici et sur les réseaux sociaux savent ce que j'ai trouvé à force de chercher : j'ai trouvé mon homonyme toute aussi passionnée par la manière dont les enfants apprennent, comment ils s'imprègnent du monde qui les entourent et comment ils deviennent les adultes de demain, elle se nomme Charlotte Mason. Grâce à ces écrits et à tout ce qu'elle a transmis à ses collègues, de son vivant, elle a créé et propagé une pédagogie holistique comportant plusieurs outils simples et efficaces qui ont fait leur preuve dans notre école-maison et dans notre famille, au fil de ces dernières années de pratique. L'un de ces outils est la Narration. Elle mérite sa majuscule car c'est une des bases de cette pédagogie, basée essentiellement sur deux "éléments" : les "choses" (tout ce que nous pouvons sentir et ressentir, voir, toucher, manipuler, expérimenter, entendre, observer...) et les livres (les contes, les romans, les livres "vivants" et passionnants écrit par des passionnés ou par les intéressés eux-même).

 


J'ai été élevée au milieu des livres par des adultes qui lisaient : une mère qui nous lisait toujours des histoires le soir, un père qui nous passait des cassettes remplis de contes et qui inventait ses propres histoires, un beau-père qui trouvait toujours dans les livres les réponses à mes questions existentielles, une tante qui travaille dans l'édition et qui m'a toujours gâtée de livres jeunesse (parfois même dédicacés)... bref, je ne pouvais qu'élever mes propres fils dans cet Amour du livre et de la narration ! Charlotte Mason nous dit qu'"une quantité monstrueuse de matériel imprimé s’en est allé dans les corbeilles de nos mémoires parce que nous n’avons pas effectué cet acte tout naturel et spontané qu’est l’acte de connaître. Cet acte est aussi facile pour un enfant que de respirer et, si nous osons y croire, est relativement facile pour nous aussi." Cela signifie donc que lire est une bonne chose, mais pour que ces lectures puissent s'ancrer dans notre mémoire, pour que tous ces livres ne soient pas uniquement avalés, mais qu'ils puissent être digérés et assimilés, il faut agir dessus consciemment. 

Dans sa pédagogie, Miss Mason nous parle d'auto-éducation. Je me suis longtemps demandé où cela se situait exactement dans la vague actuelle du unschooling et des apprentissages autonomes... il s'agit d'autre chose de plus précis ici :

"L’éducation demande un effort mental conscient, l’effort mental de redire ce qui a été lu ou entendu. C’est la façon dont nous apprenons tous: nous redisons, à nous-mêmes s’il le faut, ce que nous souhaitons retenir (...) cette méthode est aussi ancienne que l’esprit de l’homme, mais il est inquiétant de constater qu’elle soit si peu utilisée en éducation."

"Aussi ancienne que l’esprit de l’homme" ... c'est au contact des mots de la pédagogue, que j'ai acquis la confiance nécessaire pour guider mon fils, mais aussi ses petits frères, vers leurs propres apprentissages. En effet, narrer, c'est redire avec ses propres mots ce qui a été lu, c'est ancrer dans sa mémoire les informations qui ont été révélées. "Toutefois, la connaissance n’est acquise que via ce que nous pourrions appeler l’acte de connaître, qui est à la fois encouragé et mis à l’épreuve par la narration." Cet "acte de connaître" est pour moi indissociable de l'auto-éducation et du libre arbitre que je tente chaque jour de transmettre à mes garçons. Car lorsqu'on demande à un enfant de narrer un texte (plus ou moins long), "il doit généraliser, classifier, déduire, juger, visualiser, discriminer et travailler, d’une façon ou d’une autre, avec cet esprit capable qu’est le sien, jusqu’à ce que la substance de son livre soit assimilée ou rejetée, selon ce qu’il aura décidé, parce que c’est à lui que revient ce choix et non à son enseignant."

Dans ce contexte, je ne pouvais que croire dans les bienfaits de cet outil pédagogique qui doit mener le jeune à une capacité d'analyse et de déduction fine, mais aussi à une capacité de rédaction et de composition précise. 

Chez les jeunes enfants, la narration qui consiste à raconter ce qu'il vit, ce qu'il voit, ce qu'il entend puis ce qu'il lit, passe bien évidemment par l'oral, puis le dessin et enfin l'écriture. Raconter est tout naturel pour les enfants... mais dès lors que cela se formalisait, ou faisait l'objet d'un effort de rédaction, mon aîné, et plus tard mon benjamin, se braquaient comme le cheval qui ne veut pas sauter l'obstacle. Ne voulant surtout pas les bloquer au niveau de la lecture, je me suis donc appliquée à mettre en place la méthode, tout en faisant preuve d'un lâcher prise sincère car, c'est bien connu, les enfants lisent en nous comme dans des livres ouverts.

La méthode, comme pour l'essentiel de notre philo-pédagogie, consiste à mettre en place de bonnes habitudes régulières et durables : ici il suffit d'utiliser un maximum de bons textes et de demander aux enfants de restituer ce qu'ils ont lu ou entendu. Concernant les lectures à haute voix, qui forment la majorité de notre "festin d'idées", mes fils ne voyaient pas l’intérêt de me répéter à l'oral ce qui venait d'être dit. Sans narration, ni orale, ni écrite, nous étions donc dans une impasse... mais l'exercice se faisant, malgré tout, au sein des autres matières : raconter les observations dans un carnet nature, faire un dessin à la suite d'un reportage ou d'une lecture offerte, raconter ce qui se passe dans un tableau de maître, raconter ce qu'on a appris à Papa quand il rentre du boulot etc, leur était tout de même donné cette possibilité d’utiliser pleinement leur pouvoir d’attention et d'investir leur travail de mémoire.

 

Alors, à l'image de ces graines que l'on arrose sans qu'il ne se passe rien d'apparent et qui, un merveilleux matin, nous gratifient de leurs plus belles tiges à feuilles et à fleurs ; ces derniers mois, chez nous, il y eut comme un déclic chez mes fils : comme si toute la méthode et les outils mis en place avec Mason ces dernières années, s'imbriquaient en une suite logique (mais somme toute mystérieuse) ! Nous arrivons donc enfin au palier que j'attendais depuis longtemps : Jules formule et écrit ses propres phrases, Valentin noirci des pages et Lucas poursuit son petit bonhomme de chemin entre belle écriture et illustrations ! 

 

Alors voilà, cette longue tirade n'est pas destinée à nous glorifier d'en être arrivé-là (loin de là), ni à nous comparer avec leurs camarades qui font bien plus, ou bien moins... c'est surtout un message pour tous les parents qui attendent (désespérément ?) des déclics chez leurs enfants, et pour les enfants qui souffrent parfois de ne pas y arriver malgré des efforts certains (entrainant le cercle vicieux du manque de confiance en soi et de l'échec...) J'espère que ce témoignage résonnera en vous, car patience en confiance font des miracles ! 

 


 

Prenez bien soin de vous et d'eux !

 Charlotte Roman, Charlotte Rêve

Commentaires

  1. Nous sommes en ce moment même dans cette impasse dont tu parles...notre inspection est passée mais toujours cette production d'écrits pointé du doigt car comme toi les garçons ici ne sont pas enthousiasmé par cette exercice. Il faut une matinée entière pour sortir une phrase... et beaucoup de désespoir dans mon coeur de maman. Des peurs qui enveniment le quotidien et la peur pour l'avenir. La lecture a été semé aussi d'embuches puis s'est débloquée sans comprendre comment ni pourquoi je tente de me rappeler cela pour garder confiance en lui. Mais mon esprit est tourmenté. Je vais essayer d'immortaliser tes mots et m'en imprégner. Belle journée à toi. Jackie

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