Ail ail ail... et des ours?
Attention ! papilles sensibles s'abstenir... ou pas !
Pour notre première recette nous allons commencer par sortir, marcher, et chercher... chercher une rivière ! Non, ne vous inquiétez pas je vous ferai grâce de mes recettes de sorcières et autres sortilèges pour cette fois-ci ! Je vous emmène seulement en cueillette !
Cette semaine donc, avec mes hommes, je suis partie en cueillette d'ail des ours, de son nom latin Allium ursinum, car la légende dit que les ours l'utilisent pour se purger en sortant de leur hibernation ! Certains ou certaines d'entre vous la connaissent peut être déjà ? Pour les autres, je vais vous indiquer ici comment la trouver, comment la reconnaître, et surtout comment je la préparer !
Tout d'abord, comme toute plante sauvage , il faut la mériter. Si vous habitez en ville ou en altitude, il est possible que vous soyez contraints de faire un peu de route pour une excursion spéciale, car l'ail des ours pousse près des rivières ou en tout cas dans des zones humides, à l'abri de l'ombre des arbres, plus particulièrement les forêts de hêtres, de charmes ou de chênes. Voyez par exemple, là : nous sommes trop haut...
Mais une fois en bas, se dévoile à nous les eaux vives et leur végétation ripisylve (qui a les pieds dans l'eau une partie de l'année) et c'est une bonne piste pour trouver ce que nous cherchons !
Un tapis vert et tendre qui, lorsque l'on marche dessus : sens doucement l'ail !
Avant de cueillir, je voudrais porter à votre attention quelques détails afin d'être certains de ne pas vous tromper. Premièrement la feuille de l'ail des ours (sans sa fleur) ressemble beaucoup (pour un œil non averti) à celle du muguet, qui est toxique pour l'homme. Or, si vous l'observez quelques instant vous ne pourrez pas vous égarer : la feuille de muguet pousse par paire, elle est épaisse, mate sur le dessus et brillante en dessous alors que ... la feuille de l'ail des ours est fine, elle est brillante sur le dessus...
et mate en dessous... et bien sure, en la coupant et en la frottant sous votre nez vous sentirez qu'elle sent bon l'ail ! De plus, vous la trouverez en fin d'hiver-début de printemps (pas en été).
Il y a un deuxième petit piège qui viendra s'imposer certainement à vous : regardez bien mon Lulu qui cueille :
Juste devant lui, au milieu de ce tapis d'ail des ours se trouve une feuille différente...
C'est une feuille d'arum, elle est toxique elle aussi et il faut veiller à ne pas la cueillir, c'est pour ceci que nous cueillons tranquillement feuille par feuille... cela fait aussi partie de mes principes en cueillette : nous prenons une feuille sur trois pour en laisser pour les autres, et pour que les plantes puissent se reproduire et que nous puissions revenir l'an prochain!
Voyez donc ici Lucas vous montre la différence flagrante entre l'ail des ours lisse aux fibres longues (à droite) et l'arum (à gauche) qui à une forme plus complexe avec des nervures très caractéristiques.
Voici l'arum avec ses fleurs (qui arrivent bien plus tard)
C'est l'heure de passer en cuisine ! Une fois rentrés à la maison, c'est le moment de nettoyer nos feuilles (un renard ou un autre animal aurait pu uriner dessus et nous ne voulons pas prendre de risques car nous consommerons ces feuilles crues ). Pour ceci, j'organise un petit atelier trempette (eau fraiche + vinaigre blanc, certains utilisent de l'eau de javel en petite quantité) et ce sont les petiots qui s'y collent !
Ben oui... ils aiment tant l'eau et l'essoreuse ... profitons-en !
Ensuite je sors le mixeur (le notre est riquiqui donc si vous avez un robot, cela va surement bien plus vite!) et nous mixons les feuilles avec de l'huile d'olive.
L'huile d'olive va nous permettre de conserver les feuilles bien vertes, sans oxydation pendant une dizaine de jours... alors n'hésitez pas à en mettre suffisamment !
Une fois bien mixée, remplissez des pots stérilisés (trempés dans l'eau bouillante), bien tassés et à raz bord, sans laisser d'air... ainsi je les garde au frigo sans altération!
A présent, j'aimerai vous donner quelques exemple pour consommer ce qui est pour nous de "l'or vert" !
Pour commencer il y a le pesto : il vous suffit d'assaisonner votre mélange ail-huile avec sel, poivre et fruits secs (ici nous avons mis des pistaches oubliées qui avaient perdu leur croquant) mais vous pouvez utiliser ce qui vous plait : noisettes, amandes, noix, graines de courges ou de tournesol Miam ! (n'oubliez pas de torréfier tout ça quelques secondes dans une poêle sèche et chaude pour ne pas avoir de soucis à la digestion!) Pour plus de gourmandise, j'ajoute du parmesan !
Et je tartine de délicieux canapés sur mon pain au levain (je vous ai déposé la recette ici !)... les premiers jours, ça pique un peu alors je les sers avec une citronnade... bonne humeur garantie jusqu'au lendemain !
En gardant cette base de pesto, vous pouvez préparer une seconde pâte à tartiner bien plus douce, en le mélangeant avec du fromage frais (je vous ai également déposé la recette que j'utilise pour ces petits fromages frais ici).
Ensuite, nous aimons utiliser ce pesto un peu plus liquide, en ajoutant de l'huile... à déguster sur des pâtes "al dente" avec ... encore du parmesan ?
Autre utilisation gouteuse : dans mes légumes, au lieu d'ajouter de l'ail-racine et des herbes, j'ai juste à rajouter une cuillère de ma préparation ail-huile... tout comme pour la vinaigrette !
Pour finir, je fait sécher une partie de ma cueillette pour l'utiliser en tisane avec mes autres plantes qui soignent . Il suffit d'étaler les feuilles propres et sèches sur des plateaux, et de les déposer au grenier ou dans une pièce sèche de la maison (ici je n'ai plus de grenier donc je les pose sur le haut des bibliothèques et cela va très bien ! ) Lorsque vous pouvez les casser ou les pliant, c'est bon !
Conservez-les dans un pot en verre bien sec et fermé.
J'utilise ces feuilles séchées et mixées en aromatique en cuisine (le reste de l'année lorsque je n'ai plus de feuilles fraiches), ou entières en tisane, pour leurs propriétés médicinales : les propriétés bactéricides et antiseptiques (issus de l'allicine) soulagent les digestions difficiles, les troubles gastro-intestinaux et l'aérophagie. Ses flavonoïdes sont veinotoniques, assurant un bon fonctionnement des artères (usage régulier) et prévenant les risques cardiaques. De plus, l'ail des ours régularise l'hypertension.
Pour connaître les propriétés médicinales des plantes que je consomme, je me reporte essentiellement à l'ouvrage de Michel Pierre qui œuvre depuis 45 ans à l'herboristerie du Palais Royal : Les plantes du bien-être (éditions Chêne).
J'en profite pour faire une petite parenthèse sur un désastreux paradoxe de notre Etat, car il faut savoir que l’herboristerie n’est plus reconnue en France depuis le régime de Pétin. En effet, la suppression du diplôme officiel d’Herboriste sous Vichy a entrainé une application particulièrement concrète pour le métier : seuls les herboristes diplômés avant 1941 ou les pharmaciens peuvent exercer l’Herboristerie, parcourant des méandres d'autorisations et de traçabilité. Ce fait, ainsi que le choix du plus grand nombre d'entre nous, de vivre en ville dans des foyers restreints à l'effectif minimum parents-enfants (alors que nos anciens n'étaient jamais loin auparavant ou vivaient même avec les jeunes) ont eu pour conséquence que la transmission des trésors bienfaisants de la Nature environnante nous est aujourd'hui presque inexistante... les bienfaits des plantes sont même parfois considérés comme plus dangereux que les médicaments issus de la chimie pharmaceutique...
Depuis quelques temps j'ai fait le choix, pour notre tribu, de retrouver ces pratiques naturelles, le plus possible, il est donc fort possible que je vous parle encore d'herbes et de plantes ici à l'avenir ! Pour l'instant, mes feuilles d'ail des ours n'étant pas encore sèches, je vous laisse une dernière piste de ce que j'utilise pour des maux à peu près similaires : j'ai nommé l'achillée millefeuille (amie des femmes) et le basilic (qui fait lui aussi un délicieux pesto!)
L'achillée millefeuille est mon partenaire mois après mois pour ces propriétés antispasmodiques avec les mêmes actions toniques sur les veines mais aussi sur la digestion que l'ail des ours. Le basilic possède lui aussi des vertus antispasmodiques et aidant pour la digestion et l'aérophagie mais il est aussi utile pour ses propriétés astringentes, anti-inflamatoires et expectorantes (action sur larynx et bronches).
Évidemment, ces trésors des plantes qui soignent et de l'alchimie merveilleuse entre le ciel et la terre qui nous est offert depuis l'âge des premiers Hommes, ne nous permettent pas de nous passer de médecine et nécessitent une mise en garde de ma part, comme dit dans le livre de Michel Pierre : il faut toujours éliminer les plantes dangereuses, suivre les modes d'emploi et les posologies, et vérifier que l'on a bien identifié la plante (ou bien s'en passer en cas de doutes) et bien sûre... demander conseil à un pharmacien ou à un phytothérapeute.
Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon appétit !
Vous trouverez d'autres idées là et là !
et donc, presque un an après l'écriture de cet article, je le parcours avec joie et bonheur, moi, la plante d'appartement enracinée depuis peu "presque" pleine terre, dans une campagne où les terrains aqueux abondent ;) Merci pour ce chouette article, qui va me permettre de développer un peu mon travail de découverte des plantes, une à la fois :)
RépondreSupprimeravec plaisir ! quand on commence à découvrir les plantes et leurs bienfaits... on a du mal à s'arrêter de chercher !
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